Passages frontières – Editorial de la revue Levant n°9
Au commencement, dans l’amas et le chaos, pas de frontières, l’un.
Puis l’exil, le multiple : langues, territoires, peaux. Des frontières célestes et imaginaires, à celles de la terre. Mettre des noms, poser des frontières. Séparation est le chemin de l’histoire, et de la pensée, posant des limites, même si les bornes de la raison furent imaginées pour contrer la démesure, poser un toit sur l’errance de l’homme.
Fuir l’Europe des frontières repliées sur un destin de mort fut pour Walter Benjamin et Hannah Arendt et d’autres, le seul passage obligé, parce que la frontière quel que soit le visage de l’histoire (souvent « cadavre à la renverse ») doit être traversée (corps, langue, territoire) jusqu’en Eden, l’utopique jardin du sens.
La Méditerranée, depuis des millénaires, lève ses rives claires et tragiques pour fonder une communauté à venir. Dans cet espace aussi bien réel qu’imaginaire, de vives querelles, de tranchants débats mais aussi un long désir d’humanité, nourri par les livres, les rencontres, la passion.
Avons-nous vécu le temps des frontières. Içi et là, d’autres frontières se recomposent pour contenir, arrêter. Pourtant, rappelons-nous qu’Europe fut enlevé par Cadmos et que ce fut là le début d’un riche livre d’histoire et de civilisation. Ce qui a été ouvert par la grande migration fertile se replie, se rétrécit parfois aux limites d’un horizon de nécessités et de peurs, qui exilent une fois encore le cœur battant de la Méditerranée.
Dix ans séparent le Levant Neuf du passage au nouveau millénaire : chemin de patûre pour retrouver, à travers la réflexion et la création, l’urgence de donner à l’Europe incertaine sur ses véritables frontières la Méditerranée dont elle a besoin.
Michel Eckhard Elial
- Posted by shemesh
- On 8 septembre 2016
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